Les Arts Martiaux ont deux faces : le visible et l’invisible. C’est vrai, certains pourraient être tentés de penser automatiquement à l’art guerrier, au combat. D’autres plus avertis sont et resteront en quête de découverte de l’Energie suprême, du surpassement.
De toute façon, il n’y a pas de héros qui puisse se prétendre des Arts Martiaux. Le seul plaisir qu’on puisse y découvrir, c’est de se retrouver en état de grâce par le fait de l’harmonie entre nos deux parties physique et spirituelle.
Si combat il y a dans l’univers martial, c’est bien celui de l’homme avec lui-même. Le Grand Concept des Arts Martiaux, c’est bien celui qui donne à chacun de pouvoir établir une auto-évaluation.
L’homme en raison de sa nature s’exprime avec des mots, ceux-ci sont dits ou chantés; il s’exprime aussi avec son corps, des mouvements harmonieux ou non sont alors source d’extériorisation : exercices, danses, efforts musculaires en sont alors la manifestation.
Celle-ci est peut-être bien une partie de la partie visible que l’univers martial nous propose. Mais l’essentiel est ailleurs.
N’est-ce pas que vous êtes souvent regardés de travers lorsque vous prononcez ces deux mots : » Arts Martiaux « . C’est parce que dans l’esprit de certains, ces mots sont devenus synonymes de combat, de spectacle, de violence, d’acharnement, de compétition (qui peut conduire quelquefois au chaos, ou pire au K.O.). Cela peut se comprendre, dans la mesure où de nombreux maîtres (et du fait même leurs élèves), ont oublié, nous pouvons dire négligé le but principal qui nous attend : utiliser l’Energie qui habite chaque individu et qui est constituée d’un ensemble d’énergies: le ciel, l’homme et la terre. C’est peut-être cette partie invisible du monde martial qu’il faut découvrir, utiliser, s’en servir pour que l’harmonie des trois énergies précitées soit complète et enrichissante.
On ne peut guère songer à maîtriser un adversaire quand on n’a pas encore la maîtrise de notre propre être, de notre propre corps et de nos sensations.
Le véritable sens d’un art martial, c’est, nous le croyons, d’éviter de penser à la brutalité, à toute forme d’agressivité et à la destruction de l’être humain.
Par le savoir, la concentration, la maîtrise de nos acquis et de l’être intérieur qui nous habite, il faut que nous puissions assurer la maîtrise physique et mentale d’un adversaire tout en respectant ce dernier qui reste, comme personne humaine, digne de notre respect. Un maître de Kung-Fu dit un jour cette phrase merveilleuse :
- » La pratique des arts martiaux est aussi une forme de réconciliation avec nous-mêmes « . C’est encore lui qui a toujours cru qu’un maître qui s’endort sur ses lauriers, devient peu à peu inerte, inefficace et inutile.
- » Le jour où nous saurons tenir au creux de nos mains les sentiments qui occupent nos cœurs, nous pourrons nous prétendre maîtres de nos esprits.« . Cette magnifique maxime qui nous vient de Chine épouse merveilleusement bien une autre qui vient du Japon :
- » Si l’on commence une confrontation, il faut gagner, mais se battre n’est pas le but. L’art guerrier est l’art de la paix, l’art de la paix est le plus difficile: il faut gagner sans se battre « .
Tout pratiquant est appelé à vivre les principes des Arts Martiaux au quotidien. en réalité, à quoi servirait-il d’avoir des tatamis saturés d’individus, dont certains se retrouveraient le lendemain à braquer des magasins, à agresser des passants ou à se battre en bandes rivales, cela en se servant de l’acquis martial qui, en principe, est censé être canalisé pour le Bien et rien que pour le Bien.
Les parents (principaux éducateurs dans la vie d’un enfant), ne s’y trompent pas. Ils savent qu’un enfant est censé passer, au moins une fois dans la vie, par une activité d’épanouissement. Les Arts Martiaux ont pour base fondamentale une Philosophie. Ils représentent une forme d’épanouissement car ils offrent à la fois :
- Une activité sportive : qui donne au corps de pouvoir s’exprimer en toute liberté à condition que certaines limites soient respectées.
- L’endurance : qui nous habitue à la « souffrance utile » qui nous donne des ailes pour mieux résister aux tempêtes de la Vie.
- L’autodéfense : qui de nos jours, est un facteur essentiel puisque la loi de la jungle est encore aujourd’hui, malheureusement d’actualité.
- La maîtrise de soi : qui confirme et actualise notre concentration, mais qui peut aussi nous assurer un calme intérieur sans pareil pour une meilleure canalisation de notre énergie.
- L’assurance : que d’enfants manquent d’assurance en eux-mêmes. Les Arts Martiaux viennent apaiser, puis effacer peu à peu leur timidité et faire que s’épanouisse, bien naturellement leur personnalité.
Certes, toute activité sportive a son point fort et son côté pédagogique. Mais les Arts Martiaux apportent un plus, une certaine complémentarité de par son « ensemble » entier, indivisible et indissociable. Ainsi, trouverons-nous souvent certains pays où les élèves sont invités à choisir la pratique d’un art martial en complément à l’éducation physique et sportive. Bien évidemment, il n’est pas question de rendre impératif ce genre de choix, mais faut-il aussi qu’on s’interroge s’il ne faut pas tirer profit d’un sport qui est à la fois une hygiène de vie à être vécu au quotidien.
Naturellement, les plus humbles ne sont pas nécessairement les plus faibles ni les plus effacés. La force qui se dégage d’eux est strictement intérieure. Mais ce n’est pas parce qu’on est humble qu’on ne s’affirme pas. Là encore, il est indispensable que nous restions nous-mêmes et que nous continuions de nous affirmer à travers cette force tranquille, loin de toute violence. Cette même force qui nous protège, nous rassure et nous donne des ailes. La puissance peut devenir impuissance si elle ne comporte pas une réelle modestie. Nous ne parlons pas de celle qu’on apprend dans les livres, question qu’on puisse passer pour des artisans de la paix et de bonheur aux yeux de ceux qui nous regardent ou de jouer les moralisateurs auprès de ceux qui nous écoutent.
Nous le savons, tout le monde en parle, aujourd’hui, nous sommes continuellement exposés à la critique, à la jalousie, à l’agressivité et surtout celle qui se prétend intellectuelle. Dans notre quartier, au bureau, dans la rue, dans nos collectivités … on risque constamment de se faire prendre au piège de la destruction gratuite de l’homme. Justement, il ne faut surtout pas faire le jeu des bas esprits qui s’attendent toujours à ce qu’on descende à un niveau assez proche de l’abîme.
(Extraits du Sabre et le Rameau, de Joe Saadé et Bernard C.Bieler)